Règles simplifiées, aides aux entreprises unifiées, démarche qualité : cela constitue de très belles avancées. Il n’en reste pas moins plusieurs angles morts. Et un gros chantier pour que les plus d’un million de jeunes sans emploi ni formation voient l’avenir avec plus de confiance.
Un an après la mise en place de la loi Avenir professionnel, nous avons un certain recul sur la promesse gouvernementale de « Big Bang ». En tant que centre de formation d’apprentis (CFA), nous œuvrons à ce que l’apprentissage soit considéré comme une voie de passion et d’excellence. Nous attendons que les entreprises elles aussi contribuent aux objectifs éducatifs de la nation.
Les grandes avancées de la loi avenir professionnel
D’une logique administrée avec les CFA se finançant en partie par les régions à une logique de marché
L’objectif initial du ministère du Travail de libérer en totalité l’offre de formation en apprentissage est clairement atteint. En n’étant plus assujetti à la régulation des régions, la loi offre la perspective d’une extension territoriale pour les CFA. Elle nous a permis de couvrir un plus large territoire en nous installant en Auvergne et Rhône-Alpes, passant ainsi de PACA à sud-est.
Nous saluons aussi le nouveau financement des CFA « au contrat » remplaçant le système de subventions régionales. Il permet de mieux correspondre aux besoins du terrain : les CFA touchent une somme à chaque contrat d’apprentissage signé. Plus l’offre de formation est adaptée aux besoins de l’entreprise, plus les CFA signent de contrats.
Une offre plus importante et mieux adaptée pour les candidats
C’est aux partenaires sociaux au sein des branches d’écrire les diplômes professionnels avec l’Etat, en revoyant les référentiels des diplômes afin qu’ils correspondent au mieux aux besoins en compétences décelés par les entreprises.
La loi permet également l’arrivée de nouveaux entrants : elle ouvre la porte à un nombre plus conséquent d’organismes pouvant proposer des contrats d’apprentissage, à l’instar des écoles sous statut privé cantonnées auparavant aux contrats de professionnalisation.
Un superbe challenge en termes de qualité pour les CFA
L’ensemble des opérateurs réalisant de l’apprentissage devront être certifiés Qualiopi au 31 décembre 2021, faute de quoi ils ne pourront plus bénéficier de fonds. Cette démarche qualité, obligatoire, nationale, avec un référentiel commun, constitue une exigence supplémentaire de la loi, avec un coût supplémentaire pour tous les CFA.
Les angles morts de la loi avenir professionnel
La nouvelle logique de financement de la loi révèle aussi des conséquences moins visibles pour les CFA. Nous constatons plusieurs angles morts pouvant être préjudiciables à la pérennité des CFA.
Confrontés à une importante volumétrie de gestion
Pour chacune des 400 branches et au sein des 11 OPCO, France Compétences est confrontée à la diversité des diplômes et titres. C’est au final un million de lignes pour les coûts de formation par branche. La majorité des CFA travaillent avec des entreprises dépendant de plusieurs OPCO. Notre CFA, qui ne travaille qu’avec un seul OPCO, a ainsi dû recruter une personne pour gérer le travail supplémentaire de facturation.
2020 a été une année extraordinaire. Les contrats d’apprentissage sont étroitement corrélés à la situation économique. Ils pouvaient s’effondrer avec la pandémie. Sans la capacité des entreprises d’accueillir les apprentis, les CFA ne sont rien. Nous avons besoin du levier des acteurs économiques. Avec plus de 500 000 contrats, les CFA ont accueilli une volumétrie d’apprentis historiquement élevée en 2020. L’explication vient du transfert de contrats de professionnalisation vers l’apprentissage, de l’augmentation de l’apprentissage aux niveaux supérieurs, d’une offre accrue en termes d’offres et d’opérateurs et surtout de la prime de l’Etat auprès des TPE et PME. Mais la loi avenir professionnel risque de faire disparaître des CFA. Certains sont de petites structures, sur des secteurs difficiles et en difficulté de trésorerie car des OPCO ont pris beaucoup de retard pour assurer les paiements (car eux aussi en grand bouleversement). En l’absence du maintien des aides comme en 2020, et malgré les aides régionales, tout peut s’effondrer dès 2021.
Pour être pérenne, un CFA doit atteindre une taille critique
Cela signifie pour Formaposte Sud Est miser sur l’extension territoriale et une volumétrie d’au moins 1 000 apprentis. In fine, la loi avenir professionnel promet la liberté à ceux qui ont les moyens de se développer et de communiquer.
Plus encore qu’une communication sous le seul angle de l’insertion professionnelle, il convient de la penser en termes citoyen. Les CFA ont un devoir citoyen dans la formation et l’éducation de nos jeunes, par-delà toute considération sur le taux d’insertion sur le marché. Les entreprises également. Qu’importe qu’elles conservent ou non leur apprenti à l’issue de son contrat. Qu’elles contribuent elles aussi aux objectifs éducatifs de la nation. Faisons-en sorte que les entreprises inscrivent vraiment leur politique d’apprentissage dans leur mission RSE.
Isabelle Cucchietti, directrice du CFA Formaposte Sud-Est
Depuis 2004, je suis adhérente de l’Association Régionale des Directeurs de CFA en (ARDIR) PACA et de la FNADIR, je milite depuis ces nombreuses années au sein de ces associations et auprès du service public de la formation pour développer un apprentissage de qualité.